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En Normandie, le folklore regorge d'histoires mystérieuses, et le patois local ajoute une touche encore plus intrigante et authentique à ces récits effrayants. Ainsi, nous vous proposons de découvrir la légende de la bête de Cerisy-la-Forêt, telle qu’elle a été racontée par une femme de la commune au début du siècle dernier.
« Des’pis longtemps déjà, la c’meune était terrorisàé par éun’horrible bête que l’suns et l’sàôtres présentaient sous la forme d’un dragon qu’avait sept têtes. Il entrait dans les mouésons, faisait poux ès p’tiots, j’tait des sorts, mougeait les bêtes. No résolut d’s’en débarrassé et pour cha nô fit v’ni Vigor, évêque de Bayeux qui l’découvrit dans les prés d'Mousieur Lemasle, gagnant l’village de Baynes. D’un bon coup de crosse, i l’foutit raide bas et l’tuit net. D’aôeuns disent qui l’étouffit. Toujours est i que tout le monde laprit dans sé mains pour féter la victoire de Vigor qu’est resté si populaire qu’no za mis la c’meune sous sa protection pour l’er’r’mercier.
L’endret où la bête fut tué fut appelé Bapaume.
Du fait que les gens raid’contents tapirent dû dans lû mains.
Tous l’sans, nos fête comme y convient Saint Vigor le dimanche el’pus près du 10 juillet. Chest la plus belle fête du pâys. »
Traduction : Il y a bien longtemps déjà, la commune était terrorisée par une horrible bête que les uns et les autres présentaient sous la forme d’un dragon à sept têtes. Il entrait dans les maisons, faisait peur aux petits, jetait des sorts, mangeait les bêtes. Nous étions résolus à nous en débarrasser et, pour cela, nous fîmes venir Vigor, évêque de Bayeux, qui la trouva dans les prés de Monsieur Lemasle, en arrivant au village de Baynes (limitrophe de Cerisy-la-forêt, Baynes est aujourd'hui un lieu-dit de la commune de Sainte-Marguerite-d'Elle dans le Calvados). D’un bon coup de crosse, il l’assomma et la tua net. Certains disent qu'il l'étouffa. Toujours est-il que tout le monde se prit par la main pour fêter la victoire de Vigor, qui est resté tellement populaire que nous avons mis la commune sous sa protection.
L’endroit où la bête fut tuée fut appelé Bapaume (un lieu-dit sur la commune de Cerisy-la-Forêt). Parce que les gens étaient très contents, ils tapèrent dans leurs mains.
Tous les ans, nous célébrons comme il se doit Saint Vigor, le dimanche le plus proche du 10 juillet. C’est la plus belle fête de la région (comprendre des environs).
Cette histoire, transmise de génération en génération, a été immortalisée telle quelle par un instituteur de Cerisy-la-Forêt dans la "notice communale de 1913", que vous pouvez consulter librement en vous rendant sur la page dédiée du site des archives départementales de la Manche.
Si la véracité des faits évoqués semble peu probable, l'instituteur ajoute que "cette naïve légende cache une fine allégorie". En effet, nous pouvons penser que la bête à sept têtes représente le paganisme qu'il fallait empêcher de progresser et détruire à néant. Cette histoire à la fin heureuse, s'achevant par une victoire pour le moins épique du christianisme, fut, dit-on, à l'origine de la création du monastère Saint-Vigor de Cerisy-la-Forêt.